Le cancer du sein est le cancer féminin le plus répandu. En France, 1 femme sur 8 le développera au cours de sa vie. Les chances de survie sont toutefois de 99% à 5 ans s’il est détecté de façon précoce.

Mes jushas étant majoritairement féminines, je reçois en cabinet un certain nombre de femmes après un cancer du sein. Leur demande parfois très claire, parfois très floue, repose cependant sur un socle commun : reprendre confiance en elles et en leur corps meutri.

Que ce dernier ait été touché de façon visible (mastectomie) ou non, les blessures de l’âme, elles, sont bien là. L’accompagnement en shiatsu est donc comme d’habitude, triple : travail sur le corps, travail sur le psychisme, travail sur l’émotionnel. Ces trois volets sont indissociables. Et c’est leur tout harmonieux qui permet à l’Etre humain de trouver l’équilibre

Si le travail avec les Méridiens* classiques de l’énergétique orientale est utilisé pendant le soin, l’approche par les Merveilleux Vaisseaux* y a également toute sa place.

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Se reconnecter à soi après un cancer du sein

Radiothérapie, chimiothérapie, mastectomie, etc. Les femmes qui arrivent dans mon cabinet ont dû avoir recours à des traitements lourds pour soigner leur cancer. Dans tous les cas que je reçois, cet accompagnement très médicalisé est vécu comme une prison dorée. Indispensable car salvateur, mais très intrusif et violent. Ainsi, pour faire face psychologiquement à l’épreuve, ces femmes se sont totalement détachées de leur objet corporel. Elles ont une colère exprimée ou refoulée envers lui, et aussi beaucoup d’espoir dans le suivi Shiatsu. Je leur explique que dans le travail que nous allons faire ensemble, nous somme deux : moi, et ELLES. Le shiatsu n’a rien de miraculeux et je ne suis pas magicienne. Leur participation active au processus est indispensable afin d’observer une progression dans leur état physique et mental après un cancer du sein.

Porter son attention vers l’intérieur

Ce qui m’a impressionnée lorsque Caroline** s’est allongée sur le futon pour sa première séance et que j’ai commencé à travaillé sur elle, ça a été son regard. Un regard lointain, très lointain. Un regard désabusé qui disait quelque chose comme : « Allez-y, faites votre job, j’attends que ça se passe ». Cette absence de corporalité et de corporéité, je l’ai également retrouvée plus tard chez Anne**. Ces femmes n’habitent plus leur corps. L’unité corps-esprit n’est plus là.

Tout le travail des premières séances viendra donc soutenir ce retour de la conscience du corps par le toucher. Je pratique un shiatsu favorisant le centrage et l’ancrage, ainsi que la corporalité : la délimitation des frontières. L’objectif est de ramener progressivement l’attention vers l’intérieur.

Le travail des frontières

Dans le shiatsu, le travail est toujours en binôme, le jusha est tout aussi actif que le shiatsuki. Cependant ici, à ce stade du travail, c’est moi qui œuvre surtout. Les femmes sont tellement déconnectées d’elle-mêmes que je dois d’abord réveiller la petite flamme éteinte, au plus profond de leur être.

Si la femme est très décentrée, je l’enveloppe dans une couverture ou un drap avant de la toucher. J’active un passage sur Yang Wei Mai et Yang Qiao Mai afin de favoriser un retour ici et maintenant. L’effet lange participe déjà au recentrage. Puis j’effectue une connexion Bao Mai (Coeur-Utérus). Celle-ci a la vertu d’activer à la fois le centrage et l’ancrage. Elle permet de poser progressivement la respiration et le rythme cardiaque. Certaines femmes pleurent à cet instant.

Durant ce shiatsu si particulier, je travaillerai également en douceur le Vaisseau Conception (Ren Mai), en insistant sur le 4 et le 6, et je complèterai par le Chong Mai. L’ensemble des pressions est très lent et très progressif. L’écoute du corps et du ressenti de la femme guide mon action que j’adapte au fur et à mesure.

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Reconstruire l’image de soi par le toucher Shiatsu

Depuis longtemps, le sein représente biologiquement et socialement la féminité par excellence. C’est à la fois un symbole de séduction, de tendresse, de douceur, et de beauté. Et c’est également celui du fruit nourricier de la maternité.

Déconstruire des schémas bien ancrés prend du temps, et beaucoup d’énergie combattive. Les femmes avec qui je travaille sortent tout juste de leur thérapie médicale, et n’ont pas cette énergie. Après une mastectomie, elles me témoignent toutes une atteinte à leur identité corporelle et symbolique de femme, ainsi  qu’à leur potentiel de séduction. Elles me partagent des propos parfois très durs : « Je ne ressemble plus à rien! » « Je ne me sens plus femme », ou encore : « Mais qui voudrait d’une femme sans sein?! » « Je dois absolument faire une reconstruction sinon je ne retrouverai jamais quelqu’un! ».

De corporalité à corporéité

La corporalité définit le corps comme objet, dans tout ce qu’il a de matériel, avec son anatomie et sa physiologie. La première étape du suivi post-cancer du sein par le shiatsu se concentre sur cet aspect là. Comme je l’expliquais en début de récit, il s’agit avant tout de rétablir la conscience des frontières corporelles afin de pouvoir habiter de nouveau consciemment le corps-objet.

Si la corporalité est le propre de chaque être vivant, la corporéité elle, est le fruit d’une construction mentale et sociale. La deuxième étape dans le suivi que je réalise est donc d’arriver progressivement à cette conception du corps-sujet, au delà de l’aspect purement biologique et physique. En fonction des femmes, cette déconstruction des schémas sociaux et sociétaux, puis la reconstruction d’autres concepts plus positifs prendra plus ou moins de temps…

Le toucher shiatsu

Le shiatsu sur un corps meurtri se veut le plus discret possible, tout en étant le plus apaisant et le plus rassurant possible. C’est progressivement, et au fil des séances, que les femmes habitent de nouveau leur corps, apprennent à le chérir, à le comprendre de nouveau. Les séances de Do In que je leur recommande de faire chez elles entre nos séances shiatsu les familiarisent à se réapproprier leur corps par un auto-massage enveloppant et réconfortant. Au lieu de le voir comme un fardeau, elles réapprennent petit à petit à le regarder avec bienveillance, et comme un magnifique cadeau qui les invitent à modifier leur façon de penser la vie et de la vivre au quotidien.

A travers la danse du féminin, elles apprennent à contacter leur beauté intérieure et toute la puissance qu’elles recèlent en tant que femme. Je suis toujours très émue de voir l’avant et l’après suivi post cancer du sein, cette magnifique évolution et révolution intérieure qu’elles atteignent.

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« Il n’y a rien au monde de plus fort que la douceur ». Han Suyin

Faire la paix avec soi après un cancer du sein

Une image de soi plus positive

L’image de soi, notre corporéité nous l’avons vu, est conditionnée par la société. Les êtres humains sont souvent plus enclins à mettre davantage en avant l’image extérieure d’un individu, plutôt que son image intérieure. A travers notre suivi Shiatsu, où l’on redonne au corps toutes ses lettres de noblesse, ces femmes arrivent à passer du dégoût à l’amour, de la colère à la sagesse. Toutes admettent qu’elles ne se sont pas assez écoutées par le passé, et que ce cancer les a obligées à revoir leur rapport à leur corps, et à leur vie en général de façon plus posée et positive.

Accepter la nouvelle donne

Là où avant il y avait résignation, il y a à présent acceptation. Après ce suivi post cancer du sein, ces femmes révèlent être beaucoup plus ancrées, centrées, et affirmées, comme le témoignera Isabelle**. Elles expriment se sentir beaucoup plus en phase avec elles-mêmes. Parfois, notre travail a été également complété par un suivi en psychologie, ce qui leur a permis de travailler en parallèle sur d’autres blessures somatisées ou non. Dans tous les cas, la nouvelle donne physique et mentale dans laquelle elles sont leur donne plus de confiance et de sérénité pour aborder les nouveaux défis qui s’offrent à elles…

Quand elles décident de ne pas avoir recours à la reconstruction mammaire, je découvre avec beaucoup de joie que de plus en plus de femmes arrivent à détourner avec fierté cette absence de chair avec de magnifiques tatouages. Cela implique, je pense, d’avoir déjà fait un beau bout de chemin dans sa tête et dans son corps, d’avoir su aller au delà des clichés et des constructions sociales…

Bravo à toutes…. Vous êtes magnifiques !

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« Le rapport que nous entretenons avec notre corps n’est jamais un rapport direct, simple, et linéaire, même pour nos sensations somesthésiques. Le corps ressenti est toujours ressenti à partir de ce que nous pensons du corps. Or, ce que nous pensons du corps n’est pas une production du corps mais culturelle, individuelle, subjective. Entre notre corps et nous s’établit donc cet élément intermédiaire, la corporéité, mais le plus souvent confondu avec la corporalité, qui conditionne l’essentiel de nos rapports à notre corps et au corps humain en général ». De la corporalité à la corporéité. Extrait de la conférence d’Eric Lowen donnée le 16.01.2016 à la Maison de la philosophie à Toulouse.

* Les termes en majuscules font référence au concept en énergétique orientale.

** Les prénoms des jushas ont été modifiés.

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Pour aller plus loin (sources) :

HAS, Haute Autorité de Santé

Cancerdusein.org (ruban rose)

Santé publique France

Ameli.fr

 

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